Foncer vers la côte Ouest et transmettre sa beauté et son mystère en vers instinctifs et rythmés – c’est ce qu’a réussi le poète d’origine suisse Gaspard Amée avec son premier recueil Sasamat, dont le titre évoque un lac situé à proximité de Port Moody en Colombie-Britannique. Sasamat poursuit et approfondit la tendance chez les recueils de poésie de la collection Nouvelle Rouge des Éditions du Blé à syntoniser une expérience humaine avec son écosystème.
La nature y est au premier plan et sert de tremplin à des méditations au souffle serein des mots posés comme des pas de danse mesurés. « Tout part du rythme ou de la musique des mots », dit Amée. « La disposition et la mise en page visent à laisser les mots respirer et les suites de mots résonner. »
Les paysages, les cours d’eau, la faune et la flore sont représentés en images cristallines et rafraîchissantes qui livrent la même quiétude que les grands espaces qui les abritent.
La photographie faisant de la pratique créative de l’auteur, il prend beaucoup de photos au quotidien. « Je suis d’ailleurs fasciné par ces lieux silencieux, reproduits en photographie, que nous pouvons ‘habiter’ sur le papier, en toute liberté. » Les photos qu’il a choisi d’inclure dans les pages de Sasamat ont été prises en même temps que la composition des textes.
« Je vois les images qui figurent dans ce recueil comme des fenêtres. Elles constituent des échos proches ou lointains aux textes, mais ce ne sont pas des reflets exacts ou des illustrations », dit Amée.
« Une lectrice m’a dit que pour elle, c’était une façon de découvrir une autre facette des textes. Dans mon esprit, les images prennent un peu la main des textes, et inversement, dans cette boucle qu’est Sasamat. »
Le « jeu de ricochets » qui s’exerce entre le visuel et le textuel s’exerce aussi entre le dedans et le dehors : ce qui appartient à soi et à autrui, ce qui lie l’humain à son environnement. Ces textes demandent à être chuchotés au creux d’une oreille ou à être hurlés du sommet d’une montagne.
« Il y a une sorte de funambulisme permanent entre intérieur et extérieur », dit Amée. « Je ne crains d’ailleurs rien autant que des rideaux fermés! En sortant, en nous promenant, nous faisons ‘dialoguer’ notre monde intérieur avec toutes sortes d’autres mondes. Mais cet échange est fragile. Je crois que la frontière entre intérieur et extérieur est la plus mince dans ces moments.
« Et je crois que le fait de s’accorder des moments, seul(e) à l’extérieur, est l’une des meilleures manières de cultiver son ou ses jardin(s) intérieur(s). »