Le roman plonge dans la désillusion comme élément de l’expérience d’immigration

« On est le fruit de son éducation », dit Minkala-Ntadi de son anti-héro

On ne peut que s’emballer dans la trajectoire fataliste de la vie du jeune réfugié Adolphe Moumpala dans le nouveau roman de Pierre Minkala-Ntadi, Du rêve parisien au froid des Prairies

Après des défilés de mode dans la rue et des aventures entrepreneuriales bâclées, il est adopté dans un camp de réfugiés où règnent les effluves scatologiques pour finalement se rendre jusque dans un cours d’anglais et une succession d’emplois manuels dans l’hiver intransigeant de Winnipeg. 

Les secrets terribles qu’il porte en lui le font tanguer entre sa famille biologique et sa famille adoptive, ce qui reflète aussi les liens symboliques qu’entretient le personnage avec Brazzaville (République du Congo), Paris (France), et Winnipeg (Manitoba) et les rêves qui s’y rattachent.

« J’ai voulu un personnage qui soit un anti-héros, c’est-à-dire un incapable, pour montrer qu’il est presque impossible de réussir dans la vie sociale lorsqu’on s’écarte des normes socialement établies, telles que celles qui régissent l’éducation – dans ses nombreux paliers – et le marché du travail », dit Minkala-Ntadi.

Le professeur à l’Université de Saint-Boniface a tâché de partager, en construisant une pure fiction, ses réflexions sur les défis auxquels font face les personnes immigrantes au Canada. 

« J’ai observé que plusieurs nouveaux arrivants, notamment ceux qui sont arrivés au Manitoba comme réfugiés, candidats de la province ou dans la classe familiale, se sont retrouvés, à un moment donné de leur séjour, dans un état de désillusion par rapport à leurs attentes. » 

Le personnage subit en effet tout le poids de sa propre honte, ancrée dans sa perception du regard que les autres portent sur lui. Il est miroité par deux autres Adolphes : le fils perdu de son père adoptif qui devient pour Moumpala un fantôme violent, et Mimpala, un nouvel ami et compatriote rencontré au Canada. 

Pierre Minkala-Ntadi
Pierre Minkala-Ntadi

Ces figures auxquelles il tente de se mesurer deviennent les tremplins de riches introspections, qui l’amènent à dévoiler petit à petit toute une trame de souvenirs au fil du roman. Les incursions dans le monde de la SAPE (Société des ambianceurs et des personnes élégantes, phénomène culturel vestimentaire congolais), les critiques satiriques des systèmes politiques et des dynamiques sociales au camp de réfugiés sont parmi les passages les plus fascinants de l’intrigue.

Celle-ci se conclut par une chute surprenante qui laisse planer la suite du destin d’Adolphe tout en renforçant le message social de Minkala-Ntadi sur le potentiel de l’éducation et de la formation comme agents d’intégration dans une nouvelle communauté.