Des histoires de camionneur montrent comment Lafond a refait ses bases

Le camion te donne beaucoup de temps pour penser, pour nourrir ton écriture

Le titre de ce premier livre par Yves Lafond est Le boutte de la route : Chroniques en dix-huit roues. Rien de surprenant donc d’apprendre que l’auteur roule en dix-huit roues sur la Dempster au Yukon depuis une bonne dizaine d’années!

« L’inspiration, en grande partie, c’est la Dempster, c’est là que je me suis ouvert à d’autres façons de penser », dit Lafond. « Pour être inspiré, il faut faire quelque chose. »

La vie de camionneur est bonne pour sa pratique d’écriture. « Pendant longtemps, je disais, voyons il faut que j’arrête, parce que j’arrive pas à écrire », dit l’écrivain originaire du Québec. « J’étais en affaires, mais être en affaires ça prend tout ton temps. Le camion, au contraire, ça te donne beaucoup de temps pour penser. »

Lafond a dû s’adapter à la culture du Nord. « Par exemple, au Québec, nous, on parle beaucoup avec nos mains. Mais ici, pour les Autochtones, les femmes surtout, tu ne fais pas ça. Elles disent : t’es en train de m’insulter. Mais quoi, je suis en train de te raconter une histoire. Tu me pointes du doigt, tu m’agresses, qu’elles disent. Alors là, il faut que je refasse mes bases », dit-il.

« Les Autochtones, eux autres qui sont ici depuis 10 000 ans, ils apprennent à ne pas combattre les éléments. La terre, c’est la Reine, tu sais, on combat pas ça, on fait avec. T’arrives là, pis il y a un avalanche qui bloque la route. Bien t’es pas en maudit contre la montagne. Bon qu’est-ce qu’on fait, comment on s’organise? Ça, les Autochtones, c’est leur manière de penser », il explique.

« Je suis maintenant dans un lieu où on risque sa vie à tous les jours, et tu ne sais pas à la fin de la journée comment les choses vont finir. Et pourtant, on dirait que le monde est plus serein, ce sont des personnes qui s’en font pas. »

Yves Lafond
Yves Lafond

Dans un parcours qui relie le pays des Gwich’in à celui des Tlingits, pourquoi écrire en français, étant donné que la langue de communication est l’anglais?

« En écrivant, il me vient des mots que j’utilisais quand j’étais petit gars », dit Lafond. « Ce sont des mots qu’on n’entend plus du tout et que j’adore. Ou des expressions, tu sais. Et ça, je ne suis pas capable de les rendre en anglais. »

Quel est le fil conducteur de ces chroniques en dix-huit roues? Lafond dit, « Grosso modo, comment je suis passé de la noirceur – on dit toujours ça – de la tristesse d’être à la joie à travers les rencontres avec des gens. Il faut accepter notre sort, et l’améliorer. »